David Flament, expert en marketing d’influence
Votre agence So Flamingo s’occupe entre autres de talents, d’influenceurs. Est-ce qu’ils apprécient le terme « influenceur » ?
David Flament
C’est un terme qui a parfois une connotation négative. Certains préfèrent s’en éloigner, mais en même temps, il faut l’assumer. Pour moi, un influenceur est avant tout un producteur de contenu qui a réussi à constituer une audience. En ce sens, nous sommes tous plus ou moins influenceurs.
On va prendre le cas de Farid, particulièrement connu pour ses chroniques météo et ses collaborations avec des médias belges et français. Comment cela se passe-t-il quand des marques vous approchent pour collaborer avec Farid ?
Nous commençons par établir un cadre de discussion qui rassure la marque. Les influenceurs sont à la mode, mais ils souffrent aussi d’une certaine mauvaise réputation en raison des abus, excès et dérives qui ont pu se produire. Les marques sont donc souvent dans un climat d’incertitude lorsqu’elles prennent contact avec un influenceur qu’elles ne connaissent pas. Notre objectif est de les rassurer en leur proposant des contenus qui correspondent à leurs attentes et objectifs. Nous établissons une convention qui précise les droits et devoirs de chacun. Une fois cette convention signée, nous définissons un calendrier, réalisons le travail, et envoyons ensuite un rapport avec des statistiques : nombre de vues, taux d’engagement, etc.
Si votre talent ne croit pas en un produit, va-t-il tout de même en vanter les mérites ou le promouvoir ? Comment cela se passe-t-il dans ces cas-là ?
Spontanément, et avec la tentation de l’argent facile, il pourrait être tenté de le faire. Mais nous avons professionnalisé notre démarche. Je vais te donner un exemple : l’année dernière, il a été contacté par l’organisateur d’une soirée du 31 décembre, qui avait du mal à remplir sa salle. C’était un gala avec un menu à 150 euros, une soirée dansante, un orchestre, et il espérait que Farid pourrait l’aider à vendre les derniers billets. Farid m’a dit que ce serait une bonne opportunité pour une dernière rentrée d’argent pour 2023. Je lui ai alors posé trois questions : « Connais-tu l’organisateur ? », « Vas-tu à cette soirée ? », « Es-tu sûr que la soirée se passera bien ? ». Il a répondu « Non » à chacune de ces questions. Je lui ai donc fait comprendre qu’engager son nom et sa communauté pour promouvoir un événement qu’il ne connaissait pas, auquel il ne participait pas, et dont il n’était pas certain du bon déroulement, était une très mauvaise idée. Il y a d’autres projets, comme une collaboration avec une grosse concession automobile, où nous préférons mettre en avant des produits qui correspondent à son ADN, comme les véhicules électriques ou les pneus hiver et été. C’est une question de cohérence et de respect envers sa communauté, et cela profite également à l’annonceur.
Les règles imposent que Farid, comme tous les autres talents et influenceurs, mentionne les collaborations commerciales. Comment cela se fait-il concrètement ?
Cela se fait systématiquement. Au moment de publier, il peut cocher sur Facebook qu’il s’agit d’une collaboration commerciale, et il l’ajoute également dans le texte de son post. C’est la règle, on ne peut pas laisser planer le moindre doute pour les consommateurs.
Les algorithmes changent constamment. Parfois, même en étant fan ou follower d’un profil, on voit moins ses contenus à cause de ces changements. Avez-vous déjà observé des variations dans la visibilité des posts sur les réseaux sociaux en lien avec ces modifications d’algorithmes ?
Oui, nous l’avons observé dans des cas très précis. Par exemple, Farid est influenceur météo. Lorsqu’il annonce qu’il va pleuvoir, de nombreuses personnes, comme les clubs de cyclotourisme, ajustent leurs activités en fonction de ses prévisions. Il a gagné en popularité grâce à la précision de ses prévisions et à son ton empathique. Il publie notamment des cartes météo, et les pics d’audience se produisent lors des averses orageuses, car les gens veulent savoir si l’orage va tomber chez eux ou non. Une fois, il a posté une carte montrant un front orageux s’approchant de la frontière belge, et en 30 minutes, il a atteint des centaines de milliers de vues. Deux heures plus tard, il a reposté la même carte avec un léger décalage du front orageux, mais cette fois-ci, il n’a eu que 2 000 vues. Farid m’a alors appelé en disant que Facebook était « cassé ». En réalité, Facebook avait détecté que c’était pratiquement le même contenu : sur la photo, le « front » s’était déplacé de 2 cm à peine, et donc Facebook l’avait moins diffusé alors que la deuxième photo était plus pertinente d’un point de vue météo. Cela montre comment les algorithmes peuvent impacter la visibilité des posts, et nous devons constamment nous adapter à ces changements.
Et comment Farid gère-t-il les réactions de followers, notamment lorsqu’il y a des critiques ou des commentaires désagréables ?
Les réactions de followers peuvent être liés aux conditions météorologiques. Parfois, Farid reçoit des messages en pleine nuit, par exemple d’une dame effrayée par l’orage qui se cache sous son lit et lui demande de faire quelque chose. Et si ses prévisions ne se réalisent pas exactement comme prévu, il peut se faire critiquer. Mais c’est là qu’on voit la qualité de sa communauté, qui prend spontanément parti pour lui dans les commentaires. Il y a pire malheureusement, quand Farid reçoit des commentaires racistes. Cependant, il sait répondre avec humour et intelligence, par exemple en disant : « Vous avez gagné le prix du commentaire le plus raciste de la semaine » lorsque les remarques sont déplacées. Cela permet souvent de désamorcer des situations qui pourraient dégénérer. Mais je sais que sur le plan personnel, ces situations peuvent être difficiles à vivre pour lui.