La 5G va consommer deux à trois fois plus que la 4G, c’est la différence entre l’efficacité énergétique et la consommation énergétique réelle.
Interview de Hugues Ferrebœuf / The Shift Project from Média Animation asbl on Vimeo.
Hugues Ferrebœuf est chargé de projet au Shift Project, un think tank français.
Une question provocatrice et inspirée par les propos du président Macron pour débuter cet entretien : dans le débat sur la 5G, êtes-vous plutôt geek ou amish ?
J’ai un ordinateur, ce qui me permet de faire cet interview : malgré tout, je fais partie des gens qui considèrent qu’il serait utile et démocratique d’ouvrir un débat sur la 5G, ce qui me rangerait selon le président Macron parmi les « amish », les réfractaires au progrès technologique. La 5G est un progrès technologique incontestable d’un point de vue performance et énergétique, et en même temps un danger potentiel selon la manière dont on va s’en servir. Ces 10 dernières années, nous avons eu de nouvelles technologies qui auraient pu nous permettre de faire bien les choses mais la façon de les utiliser a conduit le numérique sur une trajectoire d’émission qui n’est pas soutenable. Si on raisonne en terme d’efficacité énergétique, la 5G est dix fois meilleure que la 4G, mais le problème, c’est que le trafic, un jour ou l’autre, sera dix fois plus élevé. Et in fine la 5G va consommer deux à trois fois plus que la 4G, c’est la différence entre l’efficacité énergétique et la consommation énergétique réelle. Le problème du numérique depuis dix ans, c’est que les volumes de données augmentent plus vite que l’efficacité énergétique, et donc la consommation augmente.
Quand on est un simple usager de la 4G ou de la future 5G, comment l’utiliser de manière plus raisonnée ?
La réponse dépend de l’utilisateur mais aussi des services qu’on lui propose de consommer. Aujourd’hui avec votre smartphone vous pouvez vouloir aller sur un site web chercher une information précise mais si ce site lance des vidéos automatiquement sans que vous n’ayez rien demandé, vous allez consommer un volume de données bien supérieur à ce que vous auriez consommé si la vidéo n’était pas là. Dans cette situation, qui est responsable ? L’utilisateur qui cherche une information ou est-ce le propriétaire du site qui impose le visionnage d’une vidéo en autoplay ? Les usages ne pourront devenir plus sobres que s’il y a des consommateurs conscients des conséquences environnementales de leurs usages numériques et des fournisseurs qui proposent des contenus plus sobres.
L’usage du télétravail a-t-il un impact sur la pollution digitale ?
En gros, les deux usages numériques les plus gourmands sont la consultation de vidéos par les individus et le stockage de gros volumes de données pas assez triées en amont et donc souvent inutiles par les entreprises. Si vous travaillez à domicile, cela n’a pas d’impact sur le stockage de données par votre entreprise, et en ce qui concerne le trafic sur le réseau, le trafic professionnel est très minoritaire par rapport aux usages grand public, de 10 à 15%, pas plus. L’impact du télétravail va être très faible par rapport à la progression de services de type Netflix.
Vous êtes optimiste sur ces questions de pollution digitale ?
Par rapport à la conscientisation et l’information, je suis optimiste : en trois ans, on a fait de gros progrès en sensibilisation des médias et des entreprises utilisatrices du Net. Il y a aussi une prise de conscience assez récente des autorités publiques.
Plus d’info: https://theshiftproject.org/